Histoire

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Histoire de la Conciergerie

Peinture du Palais de justice

Visiter la Conciergerie, c’est s’immerger dans l’histoire et la mémoire d’un lieu exceptionnel de pouvoir, autour de deux temps forts de l’histoire de France, le Moyen Âge et la Révolution.

Au cœur de Paris et de l'Histoire

Située au cœur de Paris, sur les rives de la Seine, inscrites au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO, la Conciergerie est un des plus anciens vestiges du Palais de la Cité, résidence et siège de pouvoir des rois de France au Moyen Âge.


Transformée en prison du Parlement de Paris vers la fin du XIVe siècle, la Conciergerie est restée un haut lieu de détention pendant la Révolution française avec l’installation du Tribunal révolutionnaire. Sa prisonnière la plus célèbre est Marie-Antoinette. Une chapelle commémorative est aménagée à l’époque de la Restauration à l’emplacement de sa cellule et partie du parcours de visite.

Palais de la Cité, la Conciergerie depuis le Pont au Change
Palais de la Cité, la Conciergerie depuis le Pont au Change

© Jean-Christophe Ballot - Centre des monuments nationaux

Un lieu de pouvoir

Dès l’époque gallo-romaine, l’Île de la Cité accueille à l’Est un temple, à l’emplacement actuel de la cathédrale Notre-Dame, et une forteresse, sur sa partie ouest. Lieu de résidence des gouverneurs romains puis des rois Francs, la forteresse devient palais avec l’avènement des Capétiens, à la fin du Xe siècle. 
 

C’est aux XIIIe et XIVe siècles que la demeure royale connaît son plus grand développement.  Louis IX (1226 – 1270), futur Saint Louis, dote son royaume en pleine expansion des institutions spécialisées en matière administrative, financière et judiciaire et lance de grands travaux d’embellissement du Palais. Sous son règne, sont édifiés la Sainte-Chapelle, reliquaire monumental et chapelle du palais, le Trésor des Chartes, la Galerie mercière reliant la chapelle haute à son logis et la Salle sur l’eau dédiée aux grandes réceptions. 

Panneau de médiation salle des Gardes

Administration Conciergerie - Centre des monuments-nationaux

Un splendide Palais

Philippe IV le Bel (1285 – 1314) poursuit l’œuvre de son grand-père en créant les services administratifs indispensables à sa gestion centralisée et lance une grande campagne de modernisation du Palais adaptée à son ambitieux programme politique. Un nouveau Palais plus vaste, plus confortable, plus luxueux, digne de la puissance du monarque, voit le jour.

A cette époque sont édifiés quelques-uns des rares témoignages d’architecture gothique civile qui nous soient parvenus : les tours César et d’Argent et les salles de la Conciergerie, qui correspondent aux salles basses de l’ancien palais royal.

La salle des Gens d’Armes avec ses clés de voûte nichées à 8m50, ses chapiteaux à feuillages enlacés, ses quatre grandes cheminées de chauffage participent à l’impression de profonde beauté qui se dégage de cet espace architectural gothique civil unique en son genre.  

La Salle des Gardes édifiée entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle sert d’antichambre à la Grand’ Chambre où le roi tient son lit de justice. La Grand’Chambre est en effet également édifiée à l’époque de Philippe Le Bel pour accueillir le Parlement de Paris, qui est la plus haute juridiction du royaume sous l’Ancien Régime, également chargée d’enregistrer les ordonnances royales. 

Les chapiteaux des piliers centraux sont sculptés et présentent alternativement des combats d’animaux et des scènes de personnages humains. 

Les cuisines médiévales sont édifiées vers 1353, sous le règne de Jean le Bon (1350 – 1364), et destinées principalement au "commun" de l’Hôtel du Roi – aux gens de service.

Les tours d'Argent et de César

Caroline Rose - Centre des monuments nationaux

Le Palais perd sa fonction de résidence royale et devient la prison du Parlement

Au XIVe siècle, le Palais perd sa fonction résidentielle mais le Parlement et les administrations centrales du royaume demeurent et ne cessent de développer leur emprise dans le Palais. 

Un concierge, nommé par le roi pour assurer la justice dans le palais, transforme une partie des lieux en prison, transformation à l’origine de l’appellation "Conciergerie". 
 

Dès le XVe siècle et jusqu’à la Révolution, la Conciergerie est l’une des prisons les plus importantes de Paris. 

Les prisonniers célèbres de cette période sont le comte de Montgomery (1574), Ravaillac (1610), la marquise de Brinvilliers (1676), le légendaire brigand Cartouche (1721), le régicide Damiens (1757) et la comtesse de la Motte (1786). 

Vue sur le couloir des prisonniers

Philippe Berthé - Centre des monuments-nationaux

Révolution !

Le Tribunal Révolutionnaire s’installe en mars 1793 dans la Grand’ Chambre du Parlement de Paris, rebaptisée salle de la Liberté. 

En septembre 1793 est adoptée la "loi des suspects". L’arrestation de tous les ennemis de la République, avoués ou présumés, est ordonnée.

Les prisonniers qui étaient détenus dans les prisons de Paris, ainsi que dans certaines prisons de province, et qui devaient comparaître devant le tribunal, furent progressivement transférés à la Conciergerie.  

De sinistre réputation, la Conciergerie est souvent perçue comme le nouvel "enfer des vivants", comme on appelait la Bastille avant sa démolition : une antichambre menant inévitablement à la mort.

En réalité, plus d’un tiers des prévenus échappe à la peine capitale entre 1793 et 1795, excepté pendant la Grande Terreur (avril à juillet 1794). Les suspects, transférés depuis d’autres prisons n’y sont incarcérés que pendant quelques jours, en attente de leur comparution devant le Tribunal révolutionnaire.

Parmi eux, les Girondins (députés de la convention mis en accusation par les Montagnards), Antoine Lavoisier (père de la chimie moderne), André Chénier (poète), ou encore Danton, lui-même à l’origine du tribunal révolutionnaire.

De nombreuses femmes sont également jugées pour leurs idées comme notamment Olympe de Gouges (auteure de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne), Charlotte Corday (meurtrière de Marat) et Manon Roland (femme politique devenue égérie des Girondins).

Enfin, Robespierre, passe ses dernières heures dans la prison et est exécuté le lendemain, sans procès.

Au pire moment de la répression, au printemps 1794, jusqu’à six cents hommes et femmes s’entassent dans des cellules sales et surpeuplées.

Entrée parcours révolutionnaire
Entrée du parcours révolutionnaire

Benjamin Gavaudo - Centre des monuments-nationaux

Marie-Antoinette à la Conciergerie

Dans la nuit du 1er au 2 août 1793, Marie Antoinette, incarcérée depuis dix mois à la prison du Temple, est transférée à la prison de la Conciergerie. Dès son arrivée, Marie Antoinette est conduite directement dans la cellule qui lui a été réservée. L’ex-reine, détenue "au secret", est totalement isolée des autres détenues. 
 

Le procès de Marie-Antoinette s’ouvre le 14 octobre au matin. Outre les reproches liés à la trahison et la dilapidation des fonds de la Nation, Marie-Antoinette est accusée d’inceste sur son fils, le jeune "Louis XVII". Indignée, Marie-Antoinette en "appelle à toutes les mères" et à leur compassion. Le 16 octobre, à quatre heures du matin, après 20 heures de débats ininterrompus, le verdict de mort tombe, suivi de l’exécution à 12h15 place de la Révolution (actuelle place de la Concorde).

Le jugement de Marie-Antoinette d'Autriche au tribunal révolutionnaire
Le jugement de Marie-Antoinette d'Autriche au tribunal révolutionnaire

Benjamin Gavaudo - Centre des monuments-nationaux

De prison à monument historique

Après la Révolution, la Conciergerie demeure une prison, plusieurs fois réaménagée pour des raisons de sécurité, mais aussi pour améliorer un peu les conditions d’incarcération. Les détenus célèbres et ceux considérés comme des menaces particulièrement dangereuses pour l’ordre public s’y succèdent : du chef chouan Cadoudal en 1804 à l’anarchiste Ravachol en 1892, en passant par le maréchal Ney, condamné pour son ralliement à Napoléon Bonaparte en 1815, et même le neveu de ce dernier, Louis Napoléon, futur Napoléon III.
Lorsque Louis XVIII (1815 – 1824), frère cadet de Louis XVI, arrive au pouvoir, la Conciergerie devient l’un des principaux lieux de la mémoire royaliste. À la demande du souverain, une chapelle expiatoire est érigée sur l’emplacement de l’ancienne cellule de Marie-Antoinette en 1816. 
 

Le palais bénéficie, dès 1812, de plusieurs restaurations sous la responsabilité de l’architecte Antoine Marie Peyre, désigné comme maître d’œuvre. 
La Salle des Gens d’Armes est la première à retrouver son état d’origine. La Salle des Gardes, débarrassée de ses cachots, prend la suite. Puis de 1820 à 1828, une façade néogothique s’élève entre la tour de l’Horloge et la tour Bonbec. De 1847 à 1871, une façade est érigée sur le boulevard du Palais tandis que la Tour de l’horloge est restaurée. 


L’incendie lors de la Commune de Paris en 1871 dévaste une grande partie du Palais de justice alors presque achevé. Fort heureusement, les parties gothiques de la Conciergerie sont préservées mais nécessitent d’être restaurées : une nouvelle campagne a donc eu lieu en 1876. 
Malgré toutes ces interventions, l’intégrité du plan d’ensemble des salles médiévales est conservée. De même, la valeur esthétique et l’importance symbolique du Palais de la Cité ont été conservés. 
 

La Conciergerie est classée monument historique en 1862. Une partie du monument se visite à partir de 1914. L’activité carcérale est définitivement suspendue en 1934.

Visiteurs à l'entrée de la Conciergerie

Didier Plowy

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