Histoire

article | Temps de Lecture7 min

Marie-Antoinette à la Conciergerie

Revivez les derniers jours de la dernière reine de l'Ancien Régime...

L'arrivée de la Reine à la Conciergerie

Très  critiquée depuis le début des années 1780, la reine de France est encore plus hostile à la Révolution que Louis XVI. Elle concentre donc rapidement les attaques les plus franches. 
 

Enfermée dans la prison du Temple avec sa famille depuis le 13 août 1792 après la prise des Tuileries, Marie-Antoinette est transférée, seule, à la Conciergerie dans la nuit du 1er au 2 août 1793. Ses enfants et sa belle-sœur resteront à la prison du Temple. Quant à Louis XVI, il a déjà été exécuté quelques mois plus tôt (le 21 janvier 1793). Elle restera 76 jours à la Conciergerie
 

Les conditions d’emprisonnement de Marie-Antoinette sont mal connues, car entachées de nombreuses rumeurs et légendes qui visent à comparer l’incarcération de la reine aux supplices endurés par les premiers martyres chrétiens sous l’Antiquité. 
 

L’ancienne reine n’est pas une prisonnière comme les autres. Privée de quoi écrire la plupart du temps, elle est aussi gardée à vue : deux gendarmes la surveillent nuit et jour, ne lui laissant aucune intimité. C’est un affront ultime pour celle qui avait justement défrayé la chronique dix ans auparavant pour avoir tenté de se ménager, au beau milieu de la cour, un espace privé au Trianon de Versailles.  
 

Dehors, les fidèles de la monarchie essaient de s’organiser. Mais les projets visant à libérer l’ancienne reine de France, comme le « complot de l’œillet » échouent les uns après les autres. Pour plus de sûreté, Marie-Antoinette est transférée dans une autre cellule, située à l’emplacement actuel de la chapelle expiatoire.
 

Le 3 octobre, celle que le député Billaud Varenne appelle « la veuve Capet, la honte de l’humanité et de son sexe », est officiellement décrétée d’accusation. Moins de 10 jours plus tard, elle est interrogée par Herman, le président du Tribunal révolutionnaire. 

Plan de la chambre de la reine à la Conciergerie
Plan de la chambre de la reine à la Conciergerie

Benjamin Gavaudo - Centre des monuments-nationaux

Le procès de la reine

L'acte d'accusation

Le 14 octobre 1793, le procès s’ouvre au Tribunal révolutionnaire devant une salle comble. Pendant vingt longues heures, plus de quarante témoins défilent, laissant planer les rumeurs les plus folles. 

Accusée d’avoir pactisé avec l’Autriche, d’avoir vécu dans le luxe aux frais de l’État alors que les Français vivaient dans la misère, dénoncée pour avoir poussé Louis XVI à refuser la Révolution, Marie-Antoinette est plus largement vue comme l’incarnation même de la Contre-Révolution. 
Fatiguée, usée par sa longue incarcération, la reine déchue ne se ressemble plus. À travers l’affaissement de ce corps royal, c’est la chute de la monarchie tout entière que les spectateurs viennent contempler. 
Marie-Antoinette est défendue par Chauveau-Lagarde et Tronçon-Ducoudray, deux avocats très réputés, mais qui n’ont pas le temps de prendre connaissance du dossier.

Le procès semble joué d'avance : dès l'été 1789, la reine s’est opposée avec force à la Révolution et a, très tôt, cherché à convaincre Louis XVI de trouver refuge à l'étranger, trahissant son pays. 

Mais d'autres attaques laissent aussi entendre qu'elle a entretenu des relations incestueuses avec son fils, héritier du Trône. Totalement fausses, de telles accusations révèlent en revanche parfaitement ce que Marie-Antoinette était devenue dans l'imaginaire national : un monstre dont le sacrifice était nécessaire pour que vive la République.

Condamnée à mort pour haute trahison au petit matin du 16 octobre 1793, elle est escortée par une double haie de gendarmes, puis transportée en charrette jusqu'à la place de la Révolution, où l'attend une foule épaisse et silencieuse.
 

 

Le jugement de Marie-Antoinette d'Autriche au tribunal révolutionnaire
Le jugement de Marie-Antoinette d'Autriche au tribunal révolutionnaire

Benjamin Gavaudo - Centre des monuments-nationaux

La mémoire de Marie-Antoinette

La chapelle expiatoire de Marie-Antoinette

À son retour en France en 1814, louis XVIII veut réconcilier le pays avec l’idéologie royale par une attitude de pardon. Mais le traumatisme des cent-Jours, en 1815, provoque les lois résolument « expiatoires » de janvier 1816 : bannissement des conventionnels régicides, sacralisation de la mémoire des rois martyrs.

La dernière lettre de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth, bientôt connue comme « Testament de la Reine », est solennellement lue  à la Chambre le 22 février 1816, avant une diffusion générale. Mais, dès 1812, le ministre de la police, le comte Elie Decazes, alors président des Assises de la Seine (Paris), choqué par l’état de la cellule de la reine à la Conciergerie, avait rédigé un projet de sanctuarisation du lieu, non suivi par sa hiérarchie.

En 1816, c’est à son instigation que le préfet de la Seine, le comte de Chabrol, avec l’accord du conseil des prisons et l’approbation de Louis XVIII, fait ériger un oratoire dans le cachot de Marie-Antoinette. 

L’architecte Peyre est choisi pour transformer le cachot révolutionnaire et sanctifier « ce lieu de douleur ». Son accès est déplacé à l’arrière de la chapelle de la prison (aujourd’hui dite des Girondins) : c’est cette chapelle qui s’offre encore aux yeux des visiteurs d’aujourd’hui.

La chapelle dite expiatoire devient alors un oratoire dédié au recueillement et à la prière. Ses murs sont peints en faux marbre noir à larmes d’argent. La fenêtre reçoit un vitrail au chiffre de la reine. Trois tableaux sont ajoutés pour renforcer l’image de Marie-Antoinette que la monarchie souhaite livrer à la postérité, celle d’une martyre chrétienne de la Révolution. 

Chapelle expiatoire
Chapelle expiatoire

Bernard Acloque - Centre des monuments nationaux

Objets de mémoire

Présentés comme des témoignages de l'incarcération de la reine, conservés comme des objets précieux, ou comme des supports de mémoire, les nombreux objets censés avoir appartenu à Marie-Antoinette et présentés dans les vitrines de la Conciergerie fascinent depuis la fin du XVIIIe siècle. 
Vous pourrez ainsi voir quelques supposés avoir appartenu à Marie-Antoinette lors de sa détention, que ce soit au Temple ou à la Conciergerie (croix-reliquaire, broc à eau, cassette conservant ses affaires de toilette, caraco et fichu…) et d’autres reliques spectaculaires comme la châtelaine-reliquaire contenant les cheveux de la famille royale, issue d’une collection privée, ou le soulier du Musée des Beaux-Arts de Caen qu’elle aurait perdu en montant sur l’échafaud.   
 

D’autres objets permettent d’illustrer combien la figure de Marie-Antoinette a suscité des passions contraires, notamment au XIXe siècle, selon qu’on lui voue un culte ou qu’on lui soit hostile, ce dont témoigne par exemple dans ces vitrines un étonnant étui à message en os gravé figurant Marie-Antoinette à l'échafaud et portant l’inscription au dos, sur un phylactère, « L'exécution de la poulle d'Autriche »

Vitrine objets de mémoire
Vitrine objets de mémoire

Benjamin Gavaudo - Centre des monuments-nationaux

à découvrir aussi